Région adulée des amateurs de vin, la Bourgogne produit assurément parmi les plus beaux Pinot noir et Chardonnay au monde. Néanmoins, millésime après millésime, les prix des vins de la région ne cessent d'augmenter, rendant leur acquisition chaque fois un peu plus difficile pour l'amateur non fortuné.
Mais alors, pourquoi les vins de Bourgogne sont-ils en moyenne plus chers en comparaison à ceux des autres régions de France ? Pourquoi cette tendance s'accélère-t-elle ?
De nombreux facteurs entrent ici en jeu.
Offre et demande
Située au nord-est de la France, la région de Bourgogne est composée de 30 000 hectares, représentant seulement 4% du vignoble français. En comparaison, la région bordelaise couvre 120 000 hectares (16% du vignoble) tandis que les vignes de la Vallée du Rhône s'étalent sur 79 000 hectares (10,5% du vignoble).
Cette différence de taille a un impact notoire sur les quantités produites. Ainsi, pour 200 millions de bouteilles produites chaque année en Bourgogne, 650 millions sont mises sur le marché pour Bordeaux et 465 millions pour la Vallée du Rhône.
Vous l'aurez donc compris, et bien que ces chiffres soient très généraux, l'offre est beaucoup plus restreinte en Bourgogne...et cela a forcément un impact sur le prix final de votre bouteille !
La taille moyenne d'une exploitation est également un facteur décisif expliquant en partie certaines différences de prix. En effet, si la superficie moyenne d'un domaine viticole en Bourgogne est de 8,2 hectares, celle-ci est de 12 hectares en France ! De ce fait, les économies d'échelle sont inévitablement moindres pour un vigneron bourguignon, obligeant ainsi ce dernier à mieux valoriser sa production.
De plus, cette rareté de production fait face à une demande nationale comme internationale toujours plus importante.
En effet, aujourd'hui, près d'une bouteille sur deux de Bourgogne est exportée. Si les clients historiques sont les États-Unis (21% des volumes exportés), l'Angleterre (17%), la Belgique (9%), le Canada (9%) et le Japon (8%), de nombreux autres états sont désormais demandeurs et veulent leur part du gâteau.
Si cet accroissement de la demande permet aux vignerons bourguignons de mieux ventiler leurs ventes, cela rend également chaque année la répartition des volumes plus complexes entre tous les acteurs du marché, tirant à nouveau sur les prix.
Chiffres clés des exportations des vins de Bourgogne
Enfin, les aléas climatiques, bien que ne touchant pas uniquement la Bourgogne, ont également une répercussion évidente sur les prix. Ainsi, le terrible millésime 2021 a par exemple représenté la moitié d'une production habituelle pour la région. Par conséquent, et afin de compenser cet énorme manque quantitatif, les tarifs ont connu des hausses moyennes comprises entre 20 à 30%...et bizarrement, le bon millésime 2022 ne fera quant à lui pas baisser les prix. Allez comprendre…
La classification du vignoble
Un autre élément expliquant les niveaux de prix élevés en Bourgogne est la grande notoriété du système de classification utilisé dans la région.
Ce dernier hiérarchise en effet les parcelles de toute la région, commençant au niveau des appellations régionales, passant par les AOC Villages pour enfin terminer par la délimitation très précise de parcelles (ou climats) classées Premier Cru (10% du vignoble) et Grand Cru (1% du vignoble).
Bien que ce système de valorisation des plus beaux terroirs régionaux présente de très nombreux avantages, cette hiérarchisation oriente néanmoins le consommateur vers les 11% du vignoble les plus prisés et met donc une pression supplémentaire sur les prix des plus belles cuvées.
À titre d'exemple, la reconnaissance comme Premier Cru en 2020 de 200 hectares sur l'AOC Pouilly-Fuissé aura vu les prix des vins originaires de ces climats augmenter d'une bonne dizaine d'euros d'une année à l'autre par simple effet de valorisation de cette production.
La pyramide de hiérarchisation des vins de Bourgogne
Le prix du foncier
Si nous avons pu voir que les niveaux d'offre et de demande ainsi que la classification du vignoble bourguignon sont autant d'éléments influençant grandement les prix, un autre facteur important explique également la hausse des tarifs année après année : le prix du foncier.
L'achat de terres en Bourgogne est en effet devenu un investissement considérable et les prix des vignes de la région sont les plus élevés au monde.
À titre d'exemple, en 2019, le prix moyen d'un hectare de Grand Cru bourguignon était de 6,5 millions d'euros ! Toujours la même année, un hectare de Chardonnay Premier Cru coûtait quant à lui près d'1,65 millions d'euros tandis qu'un hectare de Pinot noir du même échelon valait plus de 700 000 €. Vous avez dit délirant ?
C'est simple, en dix ans, le prix des vignes a au minimum doublé, voire triplé et a même été multiplié par dix pour certaines parcelles. Une situation folle qui remet en cause le modèle traditionnel de la petite production familiale sur lequel la région s'est construite.
Les successions deviennent en effet de plus en plus complexe. Effectivement, si un domaine possède quelques ouvrées d'un Grand Cru ainsi que plusieurs hectares sur une appellation village, les droits à payer pour ces premières dépasseront largement ceux de l'ensemble du reste de la propriété. Une seule solution se présente alors souvent au jeune repreneur : se séparer de ses terres les plus prestigieuses.
Au-delà de ces affaires de succession, et à moins de disposer d'un capital de départ très important, il est également devenu impossible pour de jeunes vignerons de s'installer dans la région.
Si cet emballement des prix touche particulièrement la Côte-de-Nuits ainsi que la Côte-de-Beaune, les deux sous-régions les plus cotées du vignoble, cette situation ruisselle désormais également sur les terres moins valorisées, contribuant ainsi à une hausse des prix généralisée.
Pour illustrer la folie de certaines transactions voici deux exemples. En 2014, le Clos des Lambrays, très célèbre domaine bourguignon disposant de 11 hectares, a été racheté par Bernard Arnault pour la modique somme de 110 millions d'euros...soit 10 millions d'euros l'hectare. Mais ce n'est pas le pire ! En 2017, son voisin, le Clos de Tart, propriétaire en monopole du Grand Cru éponyme de 7,5 hectares a été vendu à François Pinault pour une somme avoisinant les 250 millions d'euros, soit plus de 33 millions l'hectare !
A-t-on atteint la limite ? Nul ne le sait...mais cela remet en question l'organisation historique de tout le vignoble. En effet, ces dernières décennies ont vu de nombreuses structures financières (banques, assurances) ainsi que plusieurs investisseurs fortunés prendre le contrôle des plus belles propriétés de la région.
La spéculation
Outre le prix du foncier, la spéculation s'est également emparée des vins de Bourgogne depuis le début des années 2000. Néanmoins, celle-ci touche presque exclusivement les domaines les plus réputés.
Ainsi, l'année 2023 a encore une fois battu tous les records d'enchère dans le monde du vin : 33 000 euros pour une bouteille de Musigny Grand Cru 2006 du domaine Leroy, 31 620€ pour une bouteille de Romanée-Conti 2015 du domaine de la Romanée-Conti ou encore 26 164€ pour une bouteille de Criots-Bâtard-Montrachet Grand Cru 2005 du domaine d'Auvenay !
Déraisonnable ? Force est de constater que certains ultra-riches (notamment en Chine) sont prêts à tout pour acquérir ces prestigieuses bouteilles.
Si certains propriétaires bourguignons ne sont pas exempts de tout reproche quant à la situation, d'autres se battent pourtant afin que leurs précieux flacons soient appréciés par de vrais amateurs. Malgré cela, et par tentation du gain, certains allocataires de domaines iconiques décident de revendre leurs bouteilles, sachant pertinemment qu'ils pourront en tirer 4 fois, 10 fois, 20 fois plus que leur prix d'achat.
Cette même spéculation a pour autre conséquence de favoriser la contrefaçon. En effet, sans de telles sommes d'argent en jeu, il n'y aurait pas de fausses bouteilles sur le marché. Un cercle vicieux donc.
Indice Winedex Bourgogne : évolution du prix des 40 vins les plus chers de la région avec prise en compte des 10 derniers millésimes pour chaque cuvée : +359% entre 2013 et 2023
La Bourgogne n'est pas la seule
Enfin, force est de constater que ces dernières années, les prix ont augmenté dans toutes les régions de France, et pas seulement en Bourgogne.
En effet, si cette dernière a connu des hausses plus importantes que la moyenne, tous les vignerons de France, qu'ils soient de Bordeaux, de Loire, d'Alsace ou encore du Languedoc-Roussillon ont rencontré les mêmes problématiques.
Ainsi, à cause du COVID, de la guerre en Ukraine ou encore de divers conflits internationaux, de multiples matières premières ont flambé et de nombreuses usines ont tourné au ralenti, favorisant les pénuries. On pense notamment au transport (pétrole) ou encore aux matières sèches (verre, carton, étiquettes etc.) dont les prix ont bondi.
Conclusion
Vous l'aurez donc compris, les notions d'offre et de demande, le système de classification des terres, le prix du foncier ainsi que la spéculation sont les paramètres les plus importants permettant de comprendre les prix parfois complètement fous de la région bourguignonne.
Néanmoins, rassurez-vous, il existe encore de très nombreuses cuvées encore accessibles dans la région pour qui sait fouiller, notamment dans la partie sud de la Bourgogne (Mercurey, Mâcon, Saint-Véran etc.) ou sur des appellations de la partie nord moins renommées et produisant pourtant de délicieuses vins, à l'image de Fixin, Marsannay ou encore les Hautes-Côtes de Beaune et les Hautes-Côtes de Nuits.
Quoi qu'il en soit, que vous soyez à la recherche d'une bouteille prestigieuse ou d'un excellent rapport qualité-prix, n’hésitez pas à faire appel à La Cave Éclairée et à demander conseil !
Carte généraliste du vignoble de Bourgogne