À la fin de votre lecture, vous pourrez mieux comprendre ces classements, leurs histoires et juger de leurs réels intérêts et valeurs. Dans cette première partie, nous nous concentrerons uniquement sur les deux régions viticoles iconiques de notre beau pays : la Bourgogne et Bordeaux ! Si vous souhaitez visualiser la suite, rendez-vous directement sur les classements des autres régions viticoles. Vous y découvrirez les hiérarchies utilisées au sein des régions Alsace, Champagne, Loire ou encore de la Provence.
Les classements de Bordeaux
De nombreux classements portant la notion de Cru existent au sein de la région bordelaise, noyant le consommateur néophyte dans une certaine incompréhension. Néanmoins, un point commun unit ces hiérarchies : elles récompensent toutes sans exception des propriétés et non des parcelles précisément délimitées.
Voici un point sur les 5 classements à retenir hiérarchisant les 118 000 hectares de vignes en AOC de la région.
Le classement de 1855
C’est le plus réputé de tous, celui faisant résonner les grands noms de la région à nos oreilles : Château Margaux, Château Latour, Château Lafite, Château Haut-Brion etc. Comme son nom l'indique, sa création date de l'année 1855 et se fit grâce à Napoléon III qui demanda alors à chaque région viticole française d’établir un classement de leurs meilleurs vins pour l’Exposition Universelle de la même année.
En réponse à cette demande, les Bordelais créèrent un classement en 5 niveaux pour les rouges du Médoc (1er Grand Cru Classé, 2ème Grand Cru Classé, 3ème Grand Cru Classé etc.) et en 3 niveaux pour les blancs liquoreux du Sauternais (Premier Cru Supérieur, Premier Cru, Deuxième Cru) selon les seuls critères de notoriété et de prix de l’époque. Cette classification regroupe aujourd’hui un total de 88 châteaux (61 pour les rouges et 27 domaines du Sauternais), tous plus prestigieux les uns que les autres.
Néanmoins, ce classement est critiqué depuis maintenant plusieurs décennies. En effet, quelle valeur peut-on encore y accorder sachant qu’il n’a (presque) jamais évolué depuis sa création et qu’il est considéré comme immuable ?!
Aujourd'hui, force est de constater que si les 1er Grands Crus et une bonne partie des Seconds ne souffrent de quasiment aucune contestation quant à leur supériorité, la hiérarchie des niveaux inférieurs serait probablement sujette à une forte évolution si celle-ci devait être mise à jour ! Ainsi, et pour exemple, le Château Pontet-Canet (Pauillac), actuellement classé au 5ème et dernier rang, se verrait probablement propulser 2 à 3 rangs au-dessus tandis que d’autres propriétés seraient amenées à descendre d’un ou deux échelons, voire de sortir de ce classement. De même, quelques exploitations aujourd’hui non classées mériteraient probablement d’y être intégrées.
Ainsi, il sera préférable de se faire conseiller si vous souhaitez choisir une bouteille prestigieuse au sein d’une de ces propriétés, particulièrement si le domaine est classé au 3ème rang du classement ou en dessous. Vous pouvez également consulter les Grands Crus Bordelais disponibles chez La Cave Éclairée pour faire votre choix de manière sûre !
Le classement des vins de Graves
Le prestigieux classement de 1855 ne prenant pas en compte les propriétés de la région des Graves (sud de Bordeaux), une hiérarchie dédiée à cette zone sera créée en 1953, puis complétée en 1959, distinguant sans échelon 16 domaines, tous situés sur l’aire de Pessac-Léognan (l’AOC n’existait pas encore dans les années 50).
Certains châteaux sont récompensés uniquement pour leur vin rouge, d’autres uniquement pour leur blanc et certains pour les deux. Parmi ce classement, quelques noms célèbres comme Château Smith-Haut-Lafite ou Château Carbonnieux.
Cette hiérarchie, bien que plus récente, est également immuable. Les mêmes problématiques se posent donc que pour le classement de 1855.
Les Grands Crus de Saint-Émilion
L’AOC Saint-Emilion est vaste : 5 400 hectares. Afin de classer ce grand ensemble, une classification fut créée dès 1954 avec une répartition en 3 niveaux. Cette hiérarchie est aujourd'hui toujours d'actualité mais celle-ci est néanmoins évolutive en comparaison aux précédents classements figés.
Ainsi, en 2022, le dernier classement de Saint-Émilion a consacré 2 châteaux au sommet de la hiérarchie comme "Premier Grand Cru Classé A" : Château Figeac et Château Pavie. Puis, 12 autres propriétés ont été classées en "Premier Grand Cru Classé" et enfin 71 vignobles comme "Grand Cru Classé". Avouons que nos amis bordelais auraient néanmoins pu choisir une échelle de notation différente afin de ne pas créer de confusion sémantique avec les autres classements mais passons...
Comme dit, et à la différence des classements voisins, celui de Saint-Émilion est donc remis à jour chaque décennie. La prochaine classification aura par conséquent lieu en 2032 après celle de 2022. Si cette mise à jour semble plus juste du point de vue de l’amateur, il en résulte pourtant de (très) nombreux imbroglios. Pour exemple très récent, les Châteaux Cheval Blanc et Ausone (au sommet de la précédente classification de 2012) n’ont pas souhaité participer au classement de 2022 car la grille d’évaluation s’éloignait trop à leurs yeux des aspects terroir, qualité et histoire aux détriments d’éléments secondaires. Cela fait tâche !
Si l’évolutivité de ce classement permet donc (à mon sens) une plus grande équité entre les propriétés tout en restant un indicateur fiable dans le temps pour les consommateurs, cette même évolutivité est en même temps source de nombreuses frictions au sein de l'appellation, conduisant à détériorer l'image générale de cette hiérarchie ainsi que sa crédibilité.
PS : il est important de ne pas confondre la mention « Grand Cru Classé » (faisant référence au classement) avec la mention « Saint-Émilion Grand Cru » (encore un problème de sémantique) que vous pourriez retrouver sur certaines bouteilles. En effet, cette dernière signifie simplement que le vin produit est issu de l’AOC Saint-Émilion Grand Cru, couvrant strictement la même aire de production que la simple AOC Saint-Émilion ! Seules différences : des conditions de production légèrement plus strictes (rendements plus faibles, élevage de 12 mois minimum etc.). Encore une fois, on peut avoir l’impression que tout est fait pour induire le consommateur en erreur !
Les Crus Bourgeois
L'histoire des Crus Bourgeois remontent au XIIème siècle. Néanmoins, au sens moderne du terme, la mention "Cru Bourgeois" n'est reconnue que depuis 1978. Depuis cette date, celle-ci est donc officiellement utilisée afin de mettre en valeur les propriétés du Médoc n'ayant pas été retenues dans le grand classement de 1855. Le premier classement des Crus Bourgeois eut quant à lui lieu en 2003.
De récurrents imbroglios judiciaires existent également autour de ce label étant donné les enjeux économiques. Ainsi, ce 1er classement de 2003 fut attaqué puis annulé en 2007. Puis, après plusieurs années de réorganisation, il fut décidé que la mention "Cru Bourgeois" serait réattribuée tous les 5 ans afin de donner aux propriétés une plus grande souplesse commerciale (la hiérarchie évoluait auparavant chaque année).
Ce classement est réparti en 3 niveaux :
-Cru Bourgeois Exceptionnel (14 propriétés),
-Cru Bourgeois Supérieur (56),
-Cru Bourgeois (179).
Il est à noter que les 249 exploitations reconnues dans cette hiérarchie doivent impérativement provenir des 8 AOC médocaines (Médoc, Haut-Médoc, Saint-Estèphe, Listrac-Médoc, Moulis-en-Médoc, Margaux, Pauillac et Saint-Julien).
Comme vous pouvez vous en douter, il est complexe d’obtenir un niveau de qualité homogène avec un nombre de domaines si important et comptant pour environ 30% de la production médocaine ! Pourtant, les critères de sélection sont bien bordés : tous les vins sont dégustés à l’aveugle sur 5 millésimes et d’autres éléments comme les démarches environnementales ou la gestion globale de l’exploitation sont également pris en compte.
Certaines propriétés de renom boudent néanmoins toujours ce classement et ne présentent jamais leur vin, ayant plus à y perdre qu’à y gagner. De plus, certains Crus Bourgeois pouvant être retrouvés en grande distribution à des niveaux de prix plutôt bas, les vignobles renommés ne veulent absolument pas être associés à cette image « low cost ».
En résumé, ce classement jouissant d’une bonne réputation est un bon indicateur de qualité mais ce principalement pour les deux premiers échelons (Exceptionnel et Supérieur). La simple mention « Cru Bourgeois » peut quant à elle faire côtoyer de beaux vins aux rapports qualité-prix intéressants avec d’autres cuvées présentant peu d’intérêt. La bonne connaissance des domaines et des millésimes deviendra alors primordiale pour effectuer les bons choix.
La Cave Éclairée vous recommande par exemple l'excellent Cru Bourgeois Supérieur du Château Saransot-Dupré.
Les Crus Artisans
La dénomination « Cru Artisan » fut créée en 1989 afin de mettre en avant les petites et moyennes propriétés du Médoc où le chef d’exploitation réalise toutes les étapes de la création de ses vins au domaine (conduite en propre du vignoble et de la vinification, élevage et mise en bouteille).
36 propriétés bénéficient à date de cette mention ne garantissant en rien la qualité des vins et qui fut uniquement créée afin de mettre un coup de projecteur sur les petits producteurs de la région délaissés par les autres classifications. Le classement des Crus Artisans est revu tous les 5 ans.
La Bourgogne : Grands et Premiers Crus
La Bourgogne est certainement la région où la notion de Cru est la plus reconnue de tous. Si cela est en partie dû à l’admiration de nombre d’entre nous pour ses vins, cela est également probablement relié aux 2 000 ans d’histoire viticole de celle-ci ainsi qu’à la grande précision de la hiérarchie établie.
L’histoire moderne de la hiérarchisation des crus de Bourgogne débute à la fin du XVème siècle, moment où la notion de « Climat » apparaît. Un climat est une parcelle de vignes précisément délimitée et possédant des caractéristiques géologiques et climatiques spécifiques. Puis, en 1855, sous l’impulsion de Napoléon III (encore !), des travaux sont entrepris par Jules Lavalle, naturaliste et botaniste afin de classifier les terroirs bourguignons. Cette classification servira de base à l’INAO (Institut National des Appellations d’Origine) lors de la création en 1935 des AOC de Bourgogne.
Aujourd’hui, grâce à ces études, plus de 1000 Climats sont aujourd'hui cartographiés dont 33 Grands Crus ainsi que 640 Premiers Crus. Ces derniers sont si précieux qu’ils sont inscrits depuis 2015 au patrimoine mondial de l’UNESCO et qu’un musée situé à Beaune leur est entièrement dédié !
Sur les 30 000 hectares de vignes que comptent la région, seuls 600 portent la mention Grand Cru (2%) et 3300 la mention Premier Cru (11%). Il s’agit donc d’une sélection précise des meilleures parcelles permettant de produire les tout meilleurs vins aux mondes (et les plus chers...).
Bien entendu, le travail du vigneron étant comme toujours décisif dans la qualité des vins obtenus, certains flacons estampillés « Premier Cru » pourront être au niveau de bouteilles « Grand Cru », au même titre que certaines cuvées « Premier Cru » pourront être déceptives comparées à certains vins d'une AOC Village comme Pommard ou Gevrey-Chambertin.
Néanmoins, ce classement représente à date ce qui se fait de mieux dans le monde viticole et nombre de pays étrangers s'en inspirent.
Si vous souhaitez découvrir certains de ces vins, n'hésitez pas à jeter un œil sur les Grands Crus et Premiers Crus bourguignons durement sélectionnés dont disposent La Cave Éclairée.
Conclusion
Comme vous aurez pu le comprendre à travers cette lecture, la notion de Cru revêt donc une signification différente selon la région où l’on se situe : tandis que dans le Bordelais, elle valorisera avant tout le domaine dans son ensemble, à travers son histoire viticole ainsi que sa notoriété historique, en Bourgogne, celle-ci sera avant tout reliée à la terre et mettra en avant des parcelles réputées comme permettant de produire les meilleurs vins.
En espérant que vous soyez désormais incollable sur le sujet ! Dans le prochain article, vous découvrirez les classements viticoles des autres régions françaises (Alsace, Champagne, Loire, Provence).
À bientôt chez La Cave Éclairée !